Ça cogne, ça casse et ça grippe. Ça s’élève et descend. Dans
l’air suspendues, des silhouettes sans nom ni forme déterminée. Des corps qui
se balancent, des ombres brouillées qui dansent. Respiration en suspend, je
m’envole vers mes rêves d’enfant, les yeux grand ouverts sur le temps qui
s’écoule et roule, roucoule sans complexe ni attache. Ça swingue dans les airs,
ça virevolte et caracole, ça courbe et ça tombe, ça remonte au plus haut. Le
vent souffle et caresse, les mots s’essoufflent. Disparaissent. Se tarissent.
•●0●•
Laissez-moi rien qu’une seconde encore suspendue à mes
branches, à mes rêves de hauteur. Laissez-moi croire qu’un jour j’atteindrai
les étoiles et la Lune avec eux.
•●0●•
Que vous importent mes illusions, mes délires et mes
rires ? Sans patrie, sans attache ? Je ne le crois pas, et quand bien
même… Incontrôlable ? Pas conforme à la norme ? Ça me convient. Si,
le temps d’une respiration, d’un élan sanguin, fougueux et plein d’espoir je
m’élevais loin de vos règles, hors de votre portée, que feriez-vous ? Qu’y
pourriez-vous, vous qui cherchez à nous former, à nous normer ? Me
déclareriez-vous terroriste, destructrice ? Et si au contraire je
cherchais à bâtir, que détruire me répugnait ?
Je vous vois bien cois, Messieurs de la Haute Finance,
préposés à l’Education et à la Jeunesse, maîtres incontestés de la politique et
du bien-vivre.
Il faut recadrer les éléments perturbateurs, raboter les
ailes et bâillonner ceux qui protestent trop haut, trop fort ! A l’ordre
du jour, comment mater ces illuminés qui se croient un peu trop libres.
Réunion au sommet, la décision
est prise. Il faut juger, condamner, enfermer, rééduquer.
•●0●•
- Car ces jeunes gens, Mesdames et Messieurs les jurés, sont
avant tout victimes de leur aveuglement. Punissons-les, soyons fermes, qu’ils
servent d’exemple, mais n’oublions pas de les former, de les mouler à notre
image, de leur fermer les yeux, œillères bien en place afin qu’ils ne se
détournent plus du droit chemin. Leur jeunesse les a égarés, troublés, et il
est de notre devoir de les corriger, remanier, redresser. Mesdames et Messieurs
les jurés, je vous demanderai tout de même de faire preuve de clémence à leur
égard. Que la peine soit exemplaire !
•●0●•
« Objection Votre
Honneur ! Je plaide coupable. Je suis, il est vrai, ivre de liberté, folle
d’excès et vivante à l’extrême.
Mais dites-moi, je
vous prie, vous qui me voyez de l’extérieur, qu’en pensez-vous ? Suis-je
dangereuse et violente, folle furieuse ? Suis-je une menace au bon
fonctionnement de vos Institutions ? Je m’en félicite ! Me
craignez-vous, moi petite fille ? Soyez donc raisonnables ! Quel
danger puis-je représenter ?
Trouble à l’ordre
public ? Agitatrice ? J’ai, il est vrai, eu quelques beaux moments.
Oh, le joli feu de joie que fit le Parlement ! Mais n’ayez crainte, il n’y
avait âme qui vive dans vos grands bâtiments.
Voyez ? Je ne
suis pas terroriste, ne fais de mal à personne et mes actions prêtent à
sourire. La méchanceté m’est un concept étranger, et comme vous je vis pour mes
principes.
Je ne suis certes pas
bien-pensante et maniérée, je n’hésite pas à prendre position pour avancer. Il
est aisé de faire le procès d’une individue isolée, et si je comparais
aujourd’hui devant vous, avouons-le, ce n’est pas pour celle que je suis.
Enfin, vous me croyez
donc frêle au point de m’écrouler sous vos regards accusateurs ? Qu’à cela
ne tienne, je resterai droite et fière jusqu’au bout. Jamais vous ne me ferez
taire, et si par malheur ma voix était contenue par vos barreaux et par vos
murs, d’autres chanteront pour moi. Car si je suis isolée de mes sœurs, de mes
frères, enfermée à triple tour, je ne serai jamais esseulée. »