samedi 9 mai 2015

Lettre à Monsieur de Beaumarchais

28/07/2014



Monsieur de Beaumarchais,



Vous me désappointez ! Reprochez-vous à quelque amante ses infidélités ; et, de quel droit je vous prie, trouvez-vous que vous puissiez l’accabler ? Pour avoir donné des plaisirs, croyez-vous être seul à le pouvoir ? Et si cette femme en cherchât dans les bras d’autres amants, est-ce une raison pour ne la plus aimer ?

On se fait un faux honneur d’une fidélité arrachée ; si l’on s’y prête de bon gré, peut-être a-t-elle quelque chose de doux, mais si sans le souhaiter, on y consent malgré soi, que de douleurs pour chacune des parties !

Voyons, jouissez donc de qui vous plaît, et laissez à chacun le soin d’en faire de même. Il m’est avis que pour en chérir d’autres on en aime pas moins l’un. Ce n’est pas être insatisfaite ou inconstante que de chercher dans des bras étrangers les délices que l’on goûte avec vous, et il n’est pas plus injuste serment que celui qui nous lie à un unique objet et nous fait dédaigner les autres.

Vous-mêmes, cher libertin, vous piqueriez-vous d’une certaine constance ? Allons, je ne le peux croire ; souffrez, l’ami, qu’on en doutât. Eh, quoi encore !



Est-ce trahir que d’en aimer plusieurs ? Ne goûteriez-vous pas, belle plume, dans les bras d’une autre, plaisirs et voluptés ? Et ne seriez-vous pas aise de profiter de la femme infidèle d’un ami ? Allons, votre complaisance et votre esprit se trouveraient insultés si vous veniez à tolérer des écarts utiles à votre joie et que ces mêmes écarts vous soient injures dès lors que l’une ou l’autre de vos maîtresses s’en rendît coupable. De grâce, acceptez qu’on batifole avec d’autres, batifolez de même et cessez d’accabler des cœurs qui ne se livrent à vous au même titre que les autres !

Ne conviendrez-vous pas, d’ailleurs, que chaque être se trouve libre d’exercer ses charmes là où bon lui semble ? Souffririez-vous qu’on vous imposât  de ne lier qu’avec une seule quand vous souhaiteriez connaître de nouvelles couches ? Maître de votre corps, convenez donc que tous en fassent de même.

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